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horloges
<title>horloges</title>

Les minuteurs narratifs dans les JDR : comment mieux gérer la tension ?

N’êtes-vous jamais restés en haleine lors d’une scène où la caméra se focalise sur le minuteur d’une bombe sur le point d’exploser ? Que ressentez-vous ? La respiration s’accélère et la tension augmente. Cette technique cinématographique, qui a pour objectif de tenir le spectateur en haleine en matérialisant visuellement l’escalade de la tension, trouve son équivalent dans l’univers du jeu de rôle sous la forme des minuteurs narratifs.1

Pour donner un aperçu de ce concept en jeu de rôle, imaginons que les personnages des joueurs tentent de s’infiltrer discrètement dans un manoir gardé. Vous créez alors un minuteur « Les gardes vous surprennent » qui commence avec 8 jetons. Chaque fois qu’un joueur rate un jet de discrétion, un jeton est retiré. Quand un joueur décide d’enfoncer une porte plutôt que d’en chercher la clé, cela génère évidemment davantage de bruit et alerte les gardes : un jeton de moins. Lorsqu’il ne reste plus que trois jetons, on entend des voix qui se rapprochent. À un jeton, un garde commence à faire sa ronde dans leur direction. Quand tous les jetons sont retirés, les personnages sont découverts et doivent fuir au plus vite.

A travers cet exemple, on peut voir que le minuteur apporte une plus-value par rapport à la simple narration. En effet, il rend tangible l’approche de la menace, à savoir la découverte des personnages par les gardes du manoir. Lorsqu’un joueur décide de forcer la porte, faisant alors du bruit qui se concrétise par la perte d’un jeton, le minuteur permet ici de refléter les conséquences d’un choix (privilégier la force plutôt que la délicatesse pour ouvrir la porte) qui, autrement, n’aurait eu qu’un effet narratif. Cette matérialisation concrète sur la table de jeu par la progression du minuteur offre une meilleure visibilité sur la temporalité et la dynamique de ce qui se passe dans la fiction et, ainsi, une meilleure évaluation des conséquences des choix des joueurs.

Couramment utilisés dans les jeux de sociétés, et en particulier les jeux coopératifs comme L’Île interdite de Matt Leacock dans lesquels ils représentent souvent l’adversité ou l’ennemi à vaincre, ces minuteurs n’ont été introduits que plus récemment dans l’univers du jeu de rôle avec Apocalypse World (AW) de Vincent Baker. Ils seront ensuite perfectionnés par d’autres jeux tels que Blades in the Dark (BD) de John Harper qui raffine et systématise leur usage ou bien Ironsworn (IS) de Shawn Tomkin qui exploite leur flexibilité dans le jeu de rôle en solo et en coopératif. Plus récemment, Cezar Capacle ne consacre pas moins d’une centaine de pages à détailler le fonctionnement et l’utilisation des minuteurs dans son jeu Everspark. Ses réflexions constituent une véritable mine de conseils et d’exemples pour ceux qui veulent aller plus loin.

Ainsi, le présent article se veut proposer une analyse du fonctionnement des minuteurs à partir de l’étude de ces quatre jeux. La description des mécanismes a alors pour but d’en dégager les principales lignes de force afin de permettre d’intégrer et d’adapter ces minuteurs à n’importe quel univers.

Si vous ne connaissez pas les quatre jeux cités, n’hésitez pas à aller consulter en annexe la description succincte de leur minuteur.

Si chacun de ces quatre jeux a développé sa propre approche des minuteurs, en optant pour des choix visuels et mécaniques différents, nous pouvons toutefois extraire un certain nombre de principes fondamentaux communs à tous. Nous verrons donc comment l’intégration des minuteurs passe d’abord par le choix d’une mécanique qui définit leur représentation ainsi que leur mode de résolution. Nous nous pencherons ensuite sur leur utilisation en définissant, pour chaque minuteur, sa conséquence et ses déclencheurs. Enfin, nous envisagerons les multiples variantes proposées par les jeux pour rendre vos minuteurs encore plus riches et flexibles.

La mécanique des minuteurs

Tout d’abord, côté mécanique, l’analyse de ces quatre systèmes montre que, pour faire fonctionner un minuteur, il faut définir au minimum deux éléments :

  • La manière de représenter la progression du minuteur
  • La manière dont on décide de la résolution du minuteur

Représenter la progression du minuteur

Un des objectifs premier des minuteurs et de rendre visible pour les joueurs la progression d’une conséquence narrative. Il est donc primordial de définir sa représentation. Cette représentation visant la transparence, elle doit être facile à lire pour tout le monde et doit montrer l’imminence ou non du dénouement associé. Nos 4 jeux ont fait les choix suivants :

  • Une horloge atomique avec 6 segments qu’on noircit au fur et à mesure (AW)
  • Un cercle découpé en 4, 6 ou 8 cadrans que l’on grise au fur et à mesure (BD)
  • Une piste linéaire de 10 cases que l’on coche (IS)
  • Une étoile à cinq branches. Une branche est dessinée à chaque progression (ES)

D’autres représentations seraient du reste tout à fait envisageables :

  • des jetons/pièces/cailloux disposés sur la table ou sur une carte que l’on enlève un par un, technique empruntée aux jeux de société
  • un chiffre sur un post-it que l’on barre pour écrire la nouvelle valeur
  • un dé posé sur la table qui affiche la valeur actuelle et que l’on tourne au fur et à mesure de la progression
  • des minuteurs mécaniques du commerce ou faits maison en carton
  • une horloge sans pile dont on déplace les aiguilles manuellement, une heure par progrès
  • un paquet de cartes qui contient une carte de fin que l’on place au hasard dans le paquet

En fait, se joue ici l’aspect le plus créatif et le plus libre des minuteurs. Choisir la représentation de son minuteur est l’occasion de mettre en valeur l’univers du jeu. Le jeu d’horreur Dread de Epidiah Ravachol propose une idée tout à fait originale : il invite les joueurs à reprendre une tour de Jenga® dont on doit enlever au fur et à mesure les pièces pour réussir des actions. Quand la tour s’effondre, un personnage doit mourir. L’instabilité de la tour reflète ainsi l’inconfort des personnages dans la fiction et l’imminence de la catastrophe. Il est intéressant de noter dans cet exemple que le minuteur est utilisé pour renforcer l’immersion des joueurs dans la fiction.

De manière générale, n’hésitez pas à aller chercher du côté de vos jeux de société ou jeux vidéo favoris afin d’en extraire tout ce qui ressemble à un minuteur qui pourrait être utilisé pour votre jeu.

Résoudre vos minuteurs

La mécanique du minuteur doit également définir les conditions qui déclenchent la fin du minuteur et donc l’événement narratif associé à celui-ci. Les jeux mentionnés proposent les conditions de fin suivantes :

  • Tous les segments de l’horloge sont remplis (AW)
  • Tous les cadrans de l’horloge sont remplis (BD)
  • Les joueurs décident de faire un test de résolution quand ils le désirent sachant que plus la piste a progressé plus il y a de chances que cela se termine. (IS)
  • On lance 1d6 à chaque évolution et la résolution survient si le résultat est égal ou inférieur au nombre de rayons tracés (ES)

Il est important de noter que les minuteurs ne doivent pas nécessairement être menés à terme ; ils peuvent devenir obsolètes parce que les circonstances fictionnelles ont rendu leur progression inutile. Si, par exemple, un minuteur représente un combat contre une créature mais que ce combat n’est plus utile car les joueurs ont trouvé un moyen de contourner la créature, ce minuteur n’a plus lieu d’être. Un minuteur ne se solde donc pas nécessairement par sa résolution mais peut aussi être simplement retiré du jeu.

L’utilisation en jeu des minuteurs

Une fois la mécanique définie, analysons désormais leur utilisation en jeu. Deux éléments sont nécessaires à la création de chaque minuteur :

  • la conséquence narrative activée par la résolution du minuteur
  • les conditions qui permettent de le faire progresser

Définir la conséquence narrative

La conséquence narrative est la raison d’être des minuteurs. Elle désigne l’événement dramatique (au sens de drama, l’action) qui sera déclenché lorsque celui-ci aura atteint ses conditions de résolution.

Cette conséquence est en général une phrase du type : « Le volcan entre en éruption » ou encore « Les renforts arrivent ». Dans l’idéal, la conséquence doit décrire ce qui va arriver si le minuteur est résolu mais, pour des soucis de simplicité et de brièveté, vous pouvez également nommer le minuteur « L’éruption » ou « Les renforts ».

Les conséquences peuvent être catégorisées en trois groupes selon la réaction qu’elles suscitent chez les joueurs : les Menaces (à éviter), les Opportunités (à atteindre) et les Fatalités (inévitables).

Les Menaces représentent tous les événements indésirables auxquels les joueurs font face et qu’ils vont chercher à éviter ou, tout du moins, à ralentir. Chaque Menace repose ainsi sur une tension entre un danger et les moyens de l’éviter :

Situation fictionnelle Conséquence du minuteur
Les personnages sont en présence d’un dragon endormi qui menace de se réveiller à chaque instant. Le dragon se réveille.
La coque du vaisseau vient d’être percée par un astéroïde et la cabine est dépressurisée. Il faut colmater la fuite et rétablir la pression en gaspillant le moins possible l’oxygène des combinaisons. Plus d’oxygène.
Le groupe possède une trousse de premiers soins mais elle ne pourra soigner qu’un nombre limité de blessures. La trousse de premiers soins est vide.

Ensuite, les Opportunités désignent les conséquences que les joueurs vont au contraire essayer de favoriser. Elles peuvent recouvrir le franchissement d’obstacles ou d’ennemis, des actions à réaliser pour résoudre une quête ou bien des occasions de gagner certains avantages personnels ou pour le groupe.

Situation fictionnelle Conséquence narrative
Les personnages doivent combattre un dragon afin de continuer leur quête. Le dragon est vaincu.
Le vaisseau doit être réparé avant que l’oxygène ne manque. Le vaisseau spatial est réparé.
Un personnage a décidé d’apprendre un sort pour soigner ses coéquipiers. J’ai appris le sort de soin.

Veillez à bien garder les conséquences les plus ouvertes possibles afin de ne pas présumer prématurément de la manière de les résoudre. Les Opportunités gagnent ainsi à être définies et formulées avec soin afin d’offrir un maximum de liberté d’action. « Les câbles du système central sont débranchés » n’apporte en effet que peu de possibilités d’action au regard de « Le serveur central est neutralisé », conséquence elle-même plus restrictive que « La sécurité du bâtiment est contournée »

Comme ces Opportunités ont notamment pour vocation de suivre des projets personnels, il est tout à fait possible que les joueurs prennent la main et demandent eux-même la création de leurs minuteurs.

Pour finir, il existe des événements sur lesquels les joueurs n’auront pas d’impact direct par le biais de leurs actions : les Fatalités. Ce sont des événements inexorables qui se produiront quoi qu’il advienne. Les joueurs doivent juste faire en sorte de s’y préparer. À noter que ces événements peuvent être négatifs, neutres ou positifs pour les personnages :

Situation fictionnelle Conséquence narrative
Un volcan est en train d’entrer en éruption, ce n’est qu’une question de temps avant que la lave ne jaillisse. Le volcan entre en éruption.
Au loin, de gros nuages de sable annoncent une tempête. La tempête de sable est sur nous.
La bataille bat son plein et des alliés sont attendus avec fébrilité. Les alliés arrivent.

Choisir les déclencheurs

Pour chaque minuteur, il faut veiller à définir au moins une condition qui va déclencher son évolution. Cela peut être un événement purement narratif récurrent comme le passage du temps dans la fiction, une action spécifique des joueurs ou encore une mécanique du système de jeu comme les réussites ou échecs aux tests de compétences. Il n’y a pas véritablement de limite à ce qui peut déclencher l’évolution d’un minuteur. Il n’est pas forcément nécessaire de définir explicitement tous les déclencheurs dès le début. Il est en effet possible d’attendre que ces conditions se produisent dans la fiction.

Voici quelques exemples de déclencheurs pour les conséquences décrites dans la section précédente :

Conséquence narrative Déclencheurs possibles
Le dragon se réveille À chaque jet de discrétion raté ou en cas d’action particulièrement bruyante.
Plus d’oxygène À chaque tour de jeu et en cas d’action physique ou à chaque échec critique.
La trousse de premier soins est vide À chaque utilisation voir deux fois pour des blessures particulièrement grave.
Le dragon est vaincu Quand une action de combat est réussie par deux joueurs dans le tour de jeu.
Le vaisseau est réparé À chaque jet de réparation réussi.
J’ai appris le sort de soin A chaque session avec un grand maître de la magie ou à chaque méditation suffisamment longue.
Le volcan entre en éruption Chaque jour qui passe dans la fiction.
La tempête de sable est sur nous Toutes les dix minutes de jeu réel.
Les renforts alliés arrivent Après chaque événement marquant de la bataille.

Propositions de variations pour enrichir les minuteurs

En réalité, les sections précédentes n’ont fait qu’effleurer les possibilités offertes par ce système simple en apparence mais extrêmement flexible. Certains des jeux étudiés proposent des améliorations afin de rendre les minuteurs encore plus riches. Voici une liste non exhaustive de variantes que vous pouvez adopter afin d’augmenter davantage la tension narrative et/ou l’aspect ludique.

Des durées variables

BD ou IS proposent de faire varier la durée des minuteurs à leur création. Cette durée peut refléter la complexité de l’obstacle ou le délai avant la conséquence. On peut vouloir qu’un combat contre un dragon soit plus long que contre un gobelin par exemple. Au niveau mécanique, il suffit de faire un minuteur avec plus d’étapes ou de diminuer la vitesse de progression.

Toutefois, veillez, sauf cas particulier, à rester dans une durée relativement courte, au risque d’avoir l’effet contraire à celui escompté, à savoir que les joueurs ne voient pas la fin arriver et finissent par se lasser.

Des durées aléatoires

Deux jeux ont une particularité concernant le système de résolution : la durée avant résolution des Sparks de ES et des pistes de IS (pour une difficulté donnée) ne sont pas prédéterminées. Dans le cas de ES, le jet de dés à chaque progression rend possible la résolution après seulement une étape ou bien au bout de cinq. Pour IS ce sont les joueurs qui décident de tenter une résolution quand ils pensent qu’ils ont suffisamment progressé et un jet de dés permettra de vérifier que la piste se termine ou non.

Cette variante rajoute une incertitude que les joueurs doivent prendre en compte dans leur stratégie. Tout en gardant le côté prédictible, les choix deviennent plus risqués ce qui peut rendre les réussites ou les échecs plus héroïques.

Des conséquences intermédiaires

Pour le moment, nous n’avons défini qu’une seule conséquence par minuteur lorsque celui-ci se résout, mais comme le propose ES, il est également envisageable d’avoir des seuils dans la progression, seuils qui vont déclencher des conséquences intermédiaires.

Par exemple, si un laboratoire est sur le point d’exploser, on peut imaginer que la progression soit marquée par des étapes : des fumées se répandent dans le bâtiment forçant les personnages à progresser plus lentement, puis des gaz toxiques envahissent certaines salles rendant le cheminement plus complexe et dangereux.

On peut pousser cette variante plus loin et imaginer un nouvel effet à chaque progression augmentant les enjeux au fur et à mesure de la progression du minuteur.

Un renversement de situation

Le renversement de situation constitue une variante particulièrement intéressante car il s’agit de définir une condition supplémentaire dans la mécanique des minuteurs, de préférence rare, qui modifie substantiellement voire inverse le résultat initialement attendu lorsque celle-ci se produit.

Dans ES, cela se produit si l’on trace le cinquième trait de la Spark et que, lorsqu’on lance le dé, on ne touche toujours pas un rayon (on fait 6 sur le dé). Dans ce cas, si ce renversement se produit et que la conséquence initiale est « Le dragon se réveille » on peut imaginer que les personnages se rendent finalement compte que le dragon était mort, ou bien que ce ne sont pas un mais deux dragons qui se réveillent ou encore que le dragon se réveille, mais qu’il a une attitude amicale. Bref, le renversement de situation introduit alors un principe de surprise et se solde par une conséquence inattendue.

Des minuteurs à rebours

ES, propose également des conditions pour que le minuteur recule au lieu de progresser ou même qu’il revienne à sa valeur initiale. Cela peut être la récompense d’une action particulièrement audacieuse d’un joueur ou bien défini dès la création du minuteur ou encore la conséquence de la résolution d’un autre minuteur.

Par exemple, pour un minuteur qui représente l’évolution d’un incendie qui ravage une bibliothèque, on peut imaginer que si les joueurs appellent les pompiers, cela permet de reculer le minuteur d’un certain nombre de cran pour représenter le délai supplémentaire que les pompiers vont apporter avec leur intervention.

Combiner plusieurs minuteurs

La présence d’un minuteur apporte déjà beaucoup aux sessions mais cela devient encore plus intéressant lorsque l’on combine plusieurs minuteurs ensemble.

Compétition de minuteurs

Il est courant d’avoir deux forces qui s’opposent : un poursuivant et un poursuivi, deux groupes qui essayent de s’attirer les faveurs d’un prince, … Dans ce cas, il est possible de suivre l’avancement des deux opposants à l’aide de deux minuteurs, une pour chaque camp. Le premier qui se résout indique le résultat de la compétition.

Si les personnages tentent de semer les gardes de la ville qui les poursuivent, un minuteur représente la progression des personnages et l’autre des joueurs. Si le premier minuteur se termine avant le second, les personnages sont saufs. Dans le cas contraire, ils n’ont plus qu’à faire face à leurs poursuivants.

Influence entre minuteur

Comme vu précédemment, on peut imaginer que la résolution d’un minuteur influence la progression d’un autre, par exemple une remise à zéro ou encore l’excès de progression d’un minuteur peut « déborder » sur un autre minuteur. Un minuteur peut également avoir des conséquences intermédiaires qui vont changer le rythme ou générer d’autres minuteurs.

Imaginons trois minuteurs pour représenter le siège d’une ville par des pillards :

  • A : « Les défenses cèdent » si les pillards envahissent la ville.
  • B : « Les renforts arrivent » les guerriers du village voisin ont été prévenus et sont en chemin.
  • C : « Les villageois sont évacués » quand tous les civils sont sortis par le tunnel d’évacuation secret.

Interactions possibles :

  • Si C se termine, on peut imaginer que les combattants peuvent se concentrer sur la défense et que cela va reculer le minuteur A.
  • Si B se résout, cela arrête complètement les pillards.
  • Si A s’approche de la fin, C progresse plus vite car la panique gagne les villageois.

Épreuves en série ou en parallèle

Lorsque l’on affronte un obstacle majeur, il est possible de rallonger le minuteur, comme vu précédemment, pour rendre la résolution plus longue et donc plus mémorable. Mais il existe une autre possibilité qui donne plus de relief au défi et qui consiste en la création de plusieurs minuteurs qu’il faut résoudre en série ou bien en parallèle. Les minuteurs en parallèle pourront évoluer indépendamment les uns des autres alors que les minuteurs en série devront être résolus dans un ordre bien précis.

Dans cette variante, chaque minuteur représente un aspect différent du problème. Cela permet de rendre ces obstacles plus intéressants à résoudre car ils se décomposent en plusieurs sous obstacles qui auront leurs propres spécificités donnant ainsi à chaque personnage la possibilité de briller.

Cette variante n’est pas sans rappeler l’univers des jeux vidéo dans lequel les « boss » sont composés de plusieurs parties qu’il faut attaquer avant de pouvoir attaquer la partie centrale ou encore quand ils changent de comportement après un certain nombre de dégâts.

Nous pouvons par exemple imaginer un combat contre un scorpion géant pour lequel nous créerons les minuteurs suivants :

  • « La pince gauche est neutralisée »
  • « La pince droite est neutralisée »
  • « La tête est touchée »
  • « La queue est neutralisée »

La tête ne pourra être attaquée qu’à condition que les deux pinces soient neutralisées. Tant que la queue ne sera pas neutralisée, le scorpion pourra continuer à attaquer les personnages avec son dard empoisonné. Les joueurs doivent donc faire le choix de se focaliser sur telle ou telle partie du scorpion, ce qui permet d’envisager plusieurs stratégies.

Scénario à base de minuteurs

Pour finir, on peut développer encore davantage la piste précédente et combiner des minuteurs de différents types en série et en parallèle, ce qui permet de construire des scénarios complexes avec de multiples possibilités. Il est tout à fait possible de préparer ce type de scénario à l’avance ou de l’improviser sur le moment avec un peu d’habitude.

Pour illustrer ce concept, prenons l’évacuation d’urgence d’une station spatiale en perdition (2 heures avant explosion du réacteur !). Il est possible d’imaginer ces minuteurs en parallèle :

  • « Les navettes de secours sont fonctionnelles »
  • « Tous les survivants sont rassemblés »
  • « Le système de maintenance est piraté »
  • « Le réacteur explose »
  • « Il n’y a plus d’énergie dans les réserves de secours »

Une fois les navettes réparées et les survivants rassemblés, il devient possible de résoudre les minuteurs suivants :

  • « Décollage coordonné réussi »
  • « Mise en orbite autours de la planète »

Plus on rassemble de survivants, plus il devient facile de faire progresser la réparation des navettes. Si le système de maintenance est piraté, le minuteur du réacteur est reculé car les droids de maintenance vont refroidir le réacteur.

Les joueurs peuvent décider d’utiliser la réserve d’énergie de la station pour améliorer leurs chances de succès en utilisant des outils puissants lors de leurs actions mais s’il n’y a plus d’énergie, ils ne pourront plus utiliser les droids. Plus il y aura de survivants sauvés, plus il leur sera facile de survivre sur la planète qu’ils vont rejoindre.

Voilà de quoi assurer quelques heures de jeux !

Des minuteurs anonymes

Dans certains cas, il peut être intéressant de ne pas révéler la conséquence du minuteur dès sa création. Cela permet d’aller encore plus loin dans le suspense. Les joueurs vont se demander ce qui peut se passer et feront probablement des suppositions. La menace est là mais elle ne se révélera qu’au dernier moment. À utiliser judicieusement car cela entre en contradiction avec le principe de visibilité avec l’objectif de visibilité…

Différentes mécaniques

Pour le moment, nous avons parlé d’une seule mécanique de minuteurs mais rien n’empêche d’avoir des mécaniques différentes en fonction de la catégorie de conséquence (Menace, Objectif, Fatalité) ou de tout autre critère. Par exemple, proposer une résolution décidée par les joueurs comme dans IS fonctionnera bien pour les Opportunités mais moins pour les Menaces. On pourrait également rendre certains minuteurs aléatoires et conserver des durées fixes pour d’autres.

Conclusion

En somme, la grande flexibilité des minuteurs leur permet d’intervenir dans des contextes variés. Ils peuvent en effet venir compléter un système de règles déjà complexes ou permettre de gérer des situations élaborées dans un système plus épuré. Du reste, les minuteurs peuvent être orchestrés par le meneur de jeu ou bien utilisés sur un mode coopératif ou à l’occasion d’un jeu en solo.

Nous avons cherché dans cet article à disséquer les minuteurs narratifs et ce afin de mieux cerner leur fonctionnement interne. Nous avons également mis en avant les espaces de liberté et de créativité que recèlent les minuteurs et qui offrent souvent aux joueurs une nouvelle occasion de mieux s’immerger dans l’univers fictionnel choisi. Les minuteurs narratifs ont ainsi ceci de riche qu’ils répondent simultanément à une logique narrative (représenter la situation) et à une logique dramatico-ludique (faire progresser l’action), créant ainsi un pont tout à fait fécond entre le jeu de rôle et le jeu de société.

Annexes

Voici une description simplifiée des différentes horloges des jeux mentionnés dans cet article. Je vous renvoie bien évidement à la lecture des œuvres associées pour une description plus complète.

Dans Apocalypse World, il s’agit d’une horloge dite « atomique », héritage direct de la guerre froide. Elle contient 4 segments mais le dernier segment est divisé en 3, ce qui donne 6 segments au total.

Apocalypse world

L’horloge avance d’un segment à chaque fois que les conditions définies par le MJ sont remplies. On marque le progrès en noircissant un segment et l’horloge se résout quand tous les segments sont remplis. Elles sont en particulier utilisées notamment pour définir les menaces globales et fonctionnent comme une sorte d’indicateur qui va donner le du rythme à la campagne et permettre de guider l’action des joueurs.


Dans Blades in the Dark, les minuteurs se nomment « horloges de progression » (progress clock) (mettre le nom en anglais et traduire entre parenthèses ?) et sont représentées par des cercles divisés en 4, 6 ou 8 cadrans.

Blades in the dark

Elles avancent d’un cadran à chaque fois que la narration ou les actions des joueurs le justifient. Le nombre de cadrans dépend de la complexité du problème représenté. On marque le progrès en noircissant un cadran, et l’horloge de progression est terminée lorsque tous les cadrans ont été noircis quand on a noirci tous les cadrans. Elles permettent notamment de suivre la progression d’un effort contre un obstacle narratif ou bien d’afficher la progression de l’approche d’un problème.


Dans Ironsworn, les pistes de progrès sont associées à des objectifs que le ou les joueurs se sont donnés (les vœux de fer). Elles sont représentées par une suite de 10 cases que l’on va cocher à chaque fois que la fiction le justifie.

Ironsworn

En fonction de la difficulté de la tâche, le remplissage de la piste sera plus ou moins rapide. Quand les joueurs le décident, ils peuvent tester vérifier si la tâche est accomplie en comparant un jet de dés à 10 faces avec la valeur actuelle de la piste. En cas de succès, la piste est résolue et l’événement associé également. Dans le cas contraire, elle est remise à zéro, car la difficulté de la tâche s’est révélée sous-estimée.


Dans Everspark, les minuteurs s’appellent des Sparks et sont représentés par des étoiles à 5 branches sur une note auto-collante. Elles sont utilisées dans de très nombreuses situations : obstacle, menace, ressource, compétition, amélioration des personnages…

Spark

Pour représenter l’évolution, on dessine une branche à chaque fois que le minuteur avance. À chaque progrès, on lance 1d6 : si le résultat est inférieur ou égal au nombre de branches dessinées, l’événement se déclenche.


  1. Nous ici faisons le choix de nommer cette technique “minuteur narratif”, mais elle peut porter différents noms tels que : horloge, compteur, compte à rebours, sablier, clepsydre, chrono, décompte, jauge de progression, piste d’évolution, indicateur de tension, timer ou encore baromètre de crise… N’hésitez pas à choisir le nom qui conviendra le mieux à votre univers. ↩︎

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